ARTISTES
Sabine LECORRE-MOORE
Artiste de projets
Née en 1970 à Montréal, a grandi à Saint-Michel-de-Maurienne en Savoie, France, s’est installée à Calgary en 1991

Pour Sabine Lecorre-Moore, l’assise de sa pratique artistique est la collaboration. Il s’agit, dit-elle, « avec chaque projet d’imaginer ensemble un monde meilleur et chaque projet se précise quand les spectateurs deviennent acteurs et parlent de leurs expériences, de leurs émotions ».
Cette interaction entre l’artiste et les visiteurs, Sabine l’a vécue pendant l’été 2021 alors qu’elle était en tournée en Alberta avec son projet « Peindre l’Alberta » . En s’inspirant de photos personnelles et données par le public, elle conçoit un panorama de l’Alberta en peignant trois cent soixante miniatures qui illustrent la culture, l’histoire et le territoire albertains depuis 1880. Devant ces toiles de 6″ x 6″, combien de visiteurs se sont exclamés, partageant les souvenirs qui surgissaient!
Pareillement, l’installation éphémère « Vital Lines », créée pour le Leighton Art Centre en 2019 avec l’artiste Patricia Lortie, n’aurait pu être complétée sans la participation du public. Sur une structure en plein air, construite avec des branches ramassées sur le site, les visiteurs ont tissé plus de trois mille rubans roses sur lesquels des vœux, recueillis lors d’un appel sur Internet, avaient été inscrits.
L’importance de la collaboration a monté d’un cran quand Sabine a tenu le rôle de commissaire d’exposition pour concevoir et organiser « Présence des femmes » , mettant en scène les œuvres de sept artistes contemporaines de l’Ouest et du Nord canadiens . Un tel projet démontre la capacité de coordonner artistes, galerie et groupes d’arts visuels, tous essentiels pour assurer le succès de l’entreprise.
Dès son plus jeune âge, Sabine s’est démarquée pour ses talents artistiques et a suivi des cours en arts plastiques. Plus tard, en 1991, elle est titulaire d’un diplôme de l’Institut supérieur de peinture Van Der Kelen-Logelain de Bruxelles. La même année, elle s’installe à Calgary où, pendant deux décennies, elle réalise des projets d’art décoratif publics et privés. Depuis 2009, elle se consacre exclusivement à sa carrière d’artiste professionnelle.
Depuis, les projets et les expositions se succèdent. Les techniques que Sabine privilégie sont la photographie, la vidéo, les installations, l’acrylique sur canevas et l’aquarelle sur papier. Mais comme elle le dit, « être artiste professionnelle est une longue montagne à parcourir ». Heureusement, toujours selon sa philosophie de la collaboration, elle s’entoure d’artistes, comme le collectif Devenir , et d’associations, comme le RAFA et la SAVA , qui offrent soutien et pignon sur rue pour faire connaître son travail.
Un autre aspect crucial de l’expression artistique chez Sabine est le français. Avant de devenir membre du Regroupement artistique francophone de l’Alberta, elle se voyait simplement comme artiste. Maintenant, elle est résolument une artiste francophone. « Je suis une porte-parole pour la communauté. Mon but est d’encourager d’autres artistes à devenir membres du RAFA, une organisation qui m’a beaucoup aidée. »
De plus, elle a observé que, même si la langue n’est pas centrale pour une artiste visuelle, le point de vue culturel est important. « Les francophones voient le monde différemment que les Anglais. Par exemple, être en résidence d’artistes avec des amis francophones est très différent que de participer à une résidence en anglais. »
L’activité artistique fourmille plus que jamais. Sabine mentionne « Rivers & Rivières », un grand projet entrepris au Banff Centre for the Arts and Creativity en 2019. Son but est de faire le tour du monde pour voir les rivières et pour faire des résidences d’artiste. « L’eau est mon plus grand sujet, dit-elle, pour retrouver un sentiment autour d’une rivière. »
Et puisqu’on peut remonter à la source des cours d’eau, on peut débusquer l’émotion primaire. Ainsi, à 16 ans en voyage à Venise, ville d’eau s’il en est une, Sabine a vu la toile « Jeanne Hébuterne au sweater jaune » que Modigliani avait peinte vers 1918-1919. Ce fut une révélation. « J’ai compris ce qu’était être artiste. Cette peinture m’a fait comprendre ce qu’était le choc émotionnel. »
Cette complicité émotive, Sabine Lecorre-Moore tient à la partager avec les autres. « Peindre tous les jours et voir où l’émotion va aller. On ne peint pas toujours la même émotion. On ne peint pas toujours la même rivière. Parfois, il faut refaire et, ce qui était déjà peint, est visible sous la nouvelle couche de couleur. » Et ainsi, l’artiste incite les visiteurs à redécouvrir leurs propres émotions cachées sous les remous.