ARTISTES
Marguerite PRIMEAU
Écrivaine
Née Marguerite Aurélie Hermione en 1914 à Saint-Paul-des-Métis en Alberta,
S’établit en Colombie-Britannique en 1954, décède à Vancouver en 2011

Née Marguerite Aurélie Hermione en 1914 à Saint-Paul-des-Métis en Alberta, s’établit en Colombie-Britannique en 1954, décède à Vancouver en 2011.
Première écrivaine franco-albertaine, Marguerite-A. Primeau se démarque par sa persistance devant l’invisibilité. Consciente des difficultés à surmonter si elle veut écrire en français dans l’Ouest canadien, mais déterminée à préserver son autonomie et à s’émanciper, elle s’engage malgré tout dans la vie littéraire. Pour y arriver, la route sera longue, tortueuse, et fructueuse.
Bonne étudiante et lectrice vorace, elle déteste les restrictions qu’impose le couvent de son village natal. Elle suivra donc la piste de l’apprentissage ailleurs. Après ses études secondaires à l’Académie des Sœurs de l’Assomption à Edmonton et munie d’une bourse d’études, elle obtient un brevet d’enseignement de l’École normale d’Edmonton. Le métier d’institutrice lui permet de gagner sa vie, et de maintenir son indépendance, mais après une décennie à enseigner dans les écoles rurales de l’Alberta, elle sent le besoin de réactiver sa curiosité intellectuelle.
En 1943, elle s’inscrit au programme des études romanes à l’Université de l’Alberta. Elle suit des cours de littérature française et de littérature anglaise, gagne prix et bourses dans les deux champs d’études et trois ans plus tard, est titulaire d’un baccalauréat ès arts et, sans perdre une minute, s’inscrit au programme de maîtrise. Titulaire d’une maîtrise, elle reçoit une bourse du gouvernement français, ce qui lui permet de s’inscrire à la Sorbonne. Par la suite, elle enseigne l’anglais au Collège moderne pour jeunes filles à Nice. En 1950, Marguerite-Aurélie est de retour en Alberta où elle reprend son métier d’institutrice tout en travaillant à son premier roman. C’est finalement vers la côte Ouest qu’elle se dirige. Professeure à l’Université de la Colombie-Britannique dès 1954, elle exerce cette profession jusqu’à sa retraite en 1979.
Mais qu’en est-il de l’écrivaine? À partir de 1960 et pendant une quarantaine d’années, Primeau publie trois romans et deux recueils de nouvelles. De plus, l’un de ses romans remporte un prix panaméricain[1] et trois de ses œuvres de fiction sont plus tard traduites en anglais[2]. Toutefois, écrire et publier en français dans l’Ouest est une question de patience et d’endurance. En effet, la route de l’édition est parsemée d’obstacles : longue période de temps entre la soumission d’un manuscrit et sa publication, promesse et tergiversation des éditeurs, faillite et silence d’une maison d’édition, omission d’un contrat, coquilles non corrigées et même remise du prix retardé pendant plus d’un an. Si le « à quoi bon » accompagne l’écrivaine, le besoin de créer est plus fort. Pour reprendre dans ce contexte ce que Primeau a observé en entrevue au sujet d’un de ses romans : « Peu à peu, l’acheminement de la pensée me pousse […]. J’élague beaucoup. Et je vois une route qui se déroule devant moi, avec des à-côtés, mais il ne faut pas se laisser emporter par ces derniers. »
Sur le plan formel, Primeau est peu novatrice, mais elle ouvre des avenues thématiques nouvelles dans un cadre narratif traditionnel qui, à l’époque, étaient peu exploitées, soit l’altérité. Elle met en scène des marginaux tels qu’une Métisse blonde, un immigrant polonais, une grand-mère irlandaise, un Juif de France ou une Vietnamienne. Ainsi d’une œuvre à l’autre, elle pose un regard sur le multiculturalisme au sein de l’expérience des francophones de l’Alberta et de la Colombie-Britannique, qui vivent dans et en marge de la culture anglophone. La formation universitaire de l’écrivaine de création littéraire soutient cet engagement : « Dans l’Ouest, il est plus difficile d’écrire en français, mais j’ai décidé d’utiliser cette langue dans mes romans, explique-t-elle en entrevue. J’ai fait des études dans les deux cultures. On devrait garder sa culture sans refouler le reste. »
Et tranquillement dans une œuvre qui semble traduire un certain défaitisme camouflé sous « le caractère sage et respectueux d’une francophone minoritaire », Marguerite-A. Primeau est plutôt une battante en se taillant une place de pionnière dans la littérature de l’Ouest canadien. En effet, elle a été la première femme à soumettre un mémoire de maîtrise en français à l’Université de l’Alberta (1948), la première écrivaine franco-albertaine à publier (1960), la première lauréate franco-albertaine du prix Champlain pour la fiction (1986) et la première Franco-Albertaine invitée au Salon du livre de Paris (2002).
Pas mal pour une étudiante universitaire qui, en 1952, est mise en garde par son professeur anglophone de création littéraire, à savoir que c’était « de la folie d’écrire en français et d’espérer trouver un public dans l’Ouest canadien ». Trouver un lectorat restera toujours un problème de diffusion, une embûche de plus qui, néanmoins, ne saurait faire dévier l’impératif d’écrire, de recréer le monde à sa manière.
Les livres (les œuvres principales) :
Romans :
Dans le muskeg (1960; deuxième édition, 2005).
Maurice Dufault, sous-directeur (1983; traduction Maurice Dufault, Vice-Principal, 2006).
Sauvage-Sauvageon (1984; deuxième édition 2004; traduction Savage Rose, 1999).
Recueils de nouvelles :
Le totem (1988; traduction The Totem, 2002).
Ol’ Man, Ol’ Dog et l’enfant et autres nouvelles (1996; deuxième édition revue et augmentée : Ol’ Man, Ol’ Dog et l’enfant, 2004).
[1] Sauvage-Sauvageon reçoit le prix Champlain du Conseil de la vie française en Amérique.
[2] Sauvage-Sauvageon (1984) traduction : Savage Rose (1999); Le totem (1988) traduction : The Totem (2002); Maurice Dufault, sous-directeur (1983), traduction : Maurice Dufault, Vice-Principal (2006).