ARTISTES
Josée THIBEAULT
Autrice, metteuse en scène et comédienne
Née en 1973 à Trois-Rivières, au Québec, habite à Edmonton depuis 1994
Josée Thibeault se définit comme une touche-à-tout dans sa pratique artistique. La diversité de ses activités professionnelles le prouve, elle qui est tour à tour directrice à la scène et comédienne, scénariste et chroniqueuse et, depuis 2000, membre du collectif d’humour Le Rire. Elle plonge avec autant d’audace dans le théâtre, le spectacle multidisciplinaire, la télévision, la radio, le podcast, les séries Web et le documentaire, sans négliger l’actrice et la chanteuse.
« Je cherche à me positionner dans le monde par l’intermédiaire d’un médium artistique, peu importe lequel », confie-t-elle.
Cependant, dans sa recherche d’un soi profond à découvrir et à partager, la parole émerge essentielle. Ainsi, le tandem actrice-chanteuse se transforme en poète de l’oralité, là où la performeuse ambulante peut jouer autant de versions d’elle-même qu’elle le désire. Par la parole, on assiste à une expression qui la démarque, que ce soit dans les spectacles en solo tels que La fille du facteur et La petite Lulu tire la langue ou dans des riffs spoken word très jazzés tels que « Ketchup », « Le truc avec le trac », « Printemps 94 », « Œuvre d’art-qu’en-ciel » et « Hiver nation », pour n’en nommer que quelques-uns.
Dans ces textes intensément personnels, la voix surgit et rugit ou se fait intime et coquine. Dans ces textes, Josée Thibeault a su développer son empreinte vocale. Ce sont dans ces créations qu’elle s’anime pour montrer son monde et le monde autour d’elle en amplifiant les jeux de langue et le plaisir des mots.
« L’écriture et la prise de parole sont, somme toute, à la base de tout ce qui m’allume, écrit-elle dans une de ses notices biographiques. En tant que déracinée maintenant bien implantée dans un milieu francophone minoritaire et également très multiculturel, j’aime jouer avec les sonorités et les accents des langues qui m’entourent, j’aime jongler avec le sens des mots et explorer la portée évocatrice des images poétiques. » Et donc, elle s’allie à l’auditeur pour lui donner une histoire à raconter, à laquelle l’une et l’autre sont en mesure de s’identifier.
Josée Thibeault est titulaire d’un baccalauréat ès arts en études cinématographiques et en études françaises de l’Université de Montréal. Curieuse et à l’affût de nouvelles connaissances à ajouter à ses multiples champs d’intérêt, elle a suivi et continue de suivre séminaires et ateliers en écriture dramatique et mise en scène, en écriture spoken word et performance. De plus, elle est friande de résidences de création comme le séminaire multidisciplinaire Entr’Arts du RAFA où l’échange avec les artistes de toutes disciplines et les mentors est partie intégrante de son processus créatif.
Il faut parfois partir pour se retrouver. Ainsi, Josée Thibeault quitte Trois-Rivières, ville du papier et capitale de la poésie, pour écrire et pour se faire poète à l’autre bout du continent. Des années plus tard, c’est à Edmonton qu’elle compose La fille du facteur, spectacle en solo qui « trace la cartographie des lieux de sa mémoire, la guidant dans une quête identitaire marquée par l’art de raconter et la pratique de la fuite vers l’avant » et ode à son père, le facteur, « son petit papa pleine lune, tout là-haut ». Dans ce spectacle, Josée qualifie Edmonton de ville palimpseste. En effet, la capitale albertaine lui permet d’effacer, d’écrire, d’effacer encore et de récrire sa vie à sa guise.
Dans un article sur sa trajectoire d’artiste , Josée fait le point sur son arrivée dans sa ville d’adoption: « [J]e ne comprenais pas encore ce qu’était la francophonie hors Québec. Je crois que tant qu’on ne vient pas s’installer ici, c’est un peu abstrait. Ce que j’y ai trouvé, c’est le sentiment de communauté. Au départ, je ne devais pas rester, mais j’y suis encore 27 ans plus tard! »
Et elle le dit bien dans « Printemps 94 », texte maintenant intégré à La fille du facteur :
« Il ventait fort sur mon printemps quatre-vingt-quatorze
Balayé mon chagrin d’amant, envolée la peur dans ma gorge
J’avais la vingtaine et une qui hurle
J’avais la vie devant moi, moi devant la solitude
Voilà comment j’ai choisi l’exil, sans le deviner
Voilà comment j’ai senti l’instinct, l’instant de rester ».
Edmonton, ville « mal aimée », dit-elle, et qu’on a qualifiée de non-lieu , est, au contraire, un état d’esprit chargé d’histoires pour la poète ambulante. Le bout de la route, mais là où tout recommence et là où tout peut se créer.