ARTISTES
Gisèle VILLENEUVE
Romancière, nouvelliste, dramaturge,
poète, scénariste et traductrice bilingue
Née le 4 juin 1950 à Montréal,
habite à Calgary depuis 1978

Pour cette enfant de la Révolution tranquille, née sur la rue Resther du Plateau Mont-Royal, rien ne laissait présager la nature aventurière et la vocation bi-langue qu’elle allait plus tard développer. Très jeune, elle ressent l’appel de la littérature et envoie une lettre au poète québécois Alfred DesRochers, un ami de son grand-père, pour lui confesser son désir d’écriture. Celui-ci décèle un réel talent dans la plume de l’adolescente et l’encourage à poursuivre son travail. La jeune écrivaine en herbe n’ose croire à la bénédiction du vieil homme et met de côté pour un moment ses aspirations artistiques. Cet épisode sera à la source de l’essai le plus personnel de Gisèle, Nue et crue lettre au poète disparu, un carnet d’écrivain qu’elle publie chez Lévesque Éditeurs en 2016.
Gisèle est âgée de 17 ans lors d’Expo 67 et, un peu comme le personnage d’Ariane dans son roman Visiting Elizabeth, elle s’ouvre sur le monde en pressentant l’exil physique et spirituel qui sera le sien. Elle entame ensuite une longue série de voyages qui la mène dans tous les continents et, toujours accompagné de son complice pour la vie, Tom, son chimiste tchèque, elle réside tour à tour à Londres en Angleterre, à Ottawa et à Mountain View, en Californie. Pendant ces séjours à l’étranger, Gisèle se taille une place comme scénariste et réalisatrice de fiction et de documentaire pour la radio et la télévision.
Elle s’installe finalement à Calgary en 1978 et, dans les décennies qui suivent, elle publie de nombreuses nouvelles dans des revues littéraires réputées, écrit pour le théâtre, décroche des bourses d’écriture et participe à des ateliers et des résidences de création en Alberta et ailleurs. Elle devient ainsi une des figures littéraires les plus importantes de l’Ouest canadien. Son oeuvre s’enracine dans la marge. Elle dit d’ailleurs : « J’habite la distance. J’œuvre dans l’exiguïté canadienne. J’écris la bi-langue. Et je n’ai pas de feuille de route. »
En 1987, elle publie son premier roman, Rumeurs de la Haute Maison, chez Québec Amérique. Mais c’est son deuxième roman, le magnifique Visiting Elizabeth, publié en 2004, qui confirme le talent de Gisèle pour une écriture bi-langue tout à fait inusité. Le romancier et essayiste Robert Lalonde en décrit la singularité : « Je suis absolument fasciné par ta maîtrise de deux langues, qui ne se polluent pas l’une l’autre mais s’enrichissent, se complexifient, s’épanouissent l’une frottée à l’autre. Cet aspect-là de ton travail est unique et très inspirant. »
Si pour Gisèle « l’écriture est un acte à risque », l’écrivaine cherche également dans l’alpinisme pratiqué dans les montagnes Rocheuses la poursuite d’un absolu rempli du « silence des pierres » et de bushwacking. Défricher le terrain de la fiction pour conquérir le vertige de la page blanche et produire une écriture qui, « comme la main de l’escaladeuse, s’agrippe aux anfractuosités, aux saillies, à la corde tendue. Les yeux braqués sur le geste qui peut, soit vous sauver, soit vous précipiter sur l’arête du rocher, vous vous élèverez ». Robert Lalonde, dans la préface du roman Outsiders publié en 2013, décrit ainsi l’univers littéraire de l’écrivaine. « Chacune de ses histoires transperce et soulage dans un même souffle – je devrais plutôt écrire dans un même coup de couteau. C’est conté serré, sans sentimentalité, sans la moindre complaisance. »
En posant son regard lucide sur le monde, Gisèle devient une « décortiqueuse de clichés » (Culture et confiture, Radio-Canada). Son plus récent essai, Et tu seras happé par l’horizon, publié dans la collection Vacarmeurs, est composé de vingt-neuf fragments brossant le portrait à la fois ludique et cinglant d’Homo sapiens. Une exposition bilingue, L’Imaginaire de Gisèle Villeneuve Imagined, regroupant les œuvres de sept artistes visuelles franco-albertaines inspirées par la lecture du livre, s’est tenue en septembre 2022 à l’Alliance française de Calgary. Pendant le processus de création des artistes, lors de la visite de leurs studios, Gisèle a tenu un journal de création. Une occasion parfaite de marier la littérature à l’art visuel, un amour de jeunesse de l’écrivaine.
Avec sa vivacité d’esprit et sa fine intelligence, Gisèle dit qu’elle « write to distract myself from the imbecility of the world » et cela… pour notre plus grand plaisir.